
Plusieurs observateur disent que Donald Trump a une tendance à faire de la projection. On en a aujourd’hui une preuve flagrante dans son dernier post, où il accuse Justin Trudeau de vouloir se maintenir coûte que coûte au pouvoir, alors que c’est lui qui nourrit ces désirs! De surcroît, il expose au passage sa complète ignorance du fonctionnement du système politique canadien.
Mais avant d’aller plus loin, qu’est-ce que de la projection?
Vous souvenez-vous quand on était enfant et pour se défendre d’une insulte on rétorquait: « Celui qui le dit, c’est celui qui l’est »?
Ça résume pas mal ce qu’est de la projection. Car en psychologie, la projection est vu comme un mécanisme de défense mental où, de façon consciente ou non, un individu attribue à autrui ses propres émotions, perceptions ou intentions.
C’est à peu près ça que l’on voit ici, non? On le sait, Trump a refusé catégoriquement de reconnaitre sa défaite en 2020 et a tout fait pour rester au pouvoir. Et ce n’est pas finit, puisqu’il a dit encore récemment qu’il était prêt à briguer un 3e mandat, alors que la constitution américaine l’interdit formellement dans son 22e amendement. Et plutôt qu’assumer pleinement qu’il aime poser des gestes illégaux, il projette ça sur ses opposants, ici Justin Trudeau.
L’objectif de faire de la projection?
La plupart du temps quand quelqu’un fait de la projection, c’est pour échapper à une situation intérieure perçue comme insupportable ou qu’il souhaite cacher aux autres, afin de préserver un équilibre psychologique.
C’est d’ailleurs un mécanisme assez répandu au sein de la population.
À titre d’exemple, on peut imaginer une personne qui ressent une attirance pour quelqu’un d’autre en dehors de son couple, mais que cette pensée lui est inconfortable ou inacceptable. Plutôt que de reconnaître son propre désir, elle va accuser son partenaire d’être infidèle ou d’avoir un intérêt pour quelqu’un d’autre.
Dans ce cas, l’individu projette ses propres sentiments sur son partenaire afin d’éviter de les affronter directement. Ce mécanisme permet d’éloigner une émotion, un désir ou une pulsion perçue comme inacceptable et de la voir chez l’autre plutôt qu’en soi-même.
Ça vous est déjà arrivé?
Un autre cas de figure serait de prendre en exemple une personne qui éprouve des attirances homosexuelles refoulées, mais qui les considère comme inacceptables en raison de son éducation, de sa culture ou de ses croyances personnelles, ce qui lui fait ressentir un fort malaise intérieur.
Plutôt que de reconnaître ces sentiments, elle les projette sur les autres en adoptant une attitude ouvertement homophobe en, par exemple, critiquant violemment les droits LGBTQ+, en insultant ou se moquant de ceux qu’elle perçoit comme homosexuels, en essayant de se distancer de ses propres pensées refoulées.
Une telle personne aux prises avec un mécanisme de projection pourrait aller jusqu’à affirmer que « les homosexuels essaient de convertir les autres », alors qu’en réalité, c’est elle-même qui lutte contre une part d’elle-même qu’elle ne veut pas accepter. Si elle acceptait cette part d’elle-même, elle aurait probablement l’impression d’avoir été contaminée, voire convertie.
La projection de Trump
Mais dans le cas présent, Donald Trump ne se cache pas de ses intentions, alors est-ce de la projection?
Absolument!
On pourrait dire que plutôt que d’admettre son propre rapport problématique avec le pouvoir, où il s’estime au-dessus des lois, il le projette tout simplement sur Justin Trudeau.
D’autant plus qu’il semble le détester ouvertement. Il est encore plus facile de projeter ses intentions problématiques sur un rival qu’il ne cesse de dénigrer, au point de le traiter de gouverneur du 51e état.
C’est assez tordu comme mécanisme, en effet. On fait porter à quelqu’un que l’on estime inférieur à soi, ses propres envies illégitimes.
Est-ce que d’autres mécanismes de défense pourraient être en cause dans cette histoire?
Il pourrait y avoir une part de déni. Trump pourrait également être dans le déni de sa propre tendance autoritaire, en refusant de voir qu’il est celui qui cherche réellement à s’éterniser au pouvoir, même s’il se sent légitime d’entamer un 3e mandat, car selon lui, tout président a droit à 2 mandats consécutifs.
Ou encore, de la rationalisation. Trump pourrait justifier son propre comportement en le minimisant ou en affirmant que d’autres dirigeants (comme Trudeau) feraient pareil, ce qui normaliserait ses propres actions.
Certains pourraient argumenter qu’il s’agisse de déplacement, estimant que l’objectif de Trump est de déplacer l’attention du public sur Trudeau pour éviter les critiques face à ses propres ambitions politiques. Exprimé de cette façon, ça reste dans le cadre de la projection.
Pour qu’il y ait déplacement, il aurait fallu qu’au départ Trump soit attaqué par une autorité menaçante envers laquelle il ne se sent pas capable de diriger ouvertement sa frustration, comme par exemple. la Cours suprême qui l’empêcherait de briguer un 3e mandat. Il aurait pu alors détourner sa colère vers une cible plus accessible de son point de vue, ici la personne de Trudeau.
Donc, la projection reste quant à moi le mécanisme dominant ici, car il attribue directement à Trudeau une intention, une pulsion enivrante, qu’il refuse de reconnaître en lui-même.
Il est également important de comprendre que la projection est considérée un mécanisme de défense immature en psychologie.
Pourquoi est-ce un mécanisme immature?
Parce que les mécanismes de défense immatures, comme la projection, déforment la réalité et empêchent une personne de faire face à ses propres émotions ou et de prendre ses responsabilités de manière constructive.
Plutôt que d’affronter ses propres pensées, émotions ou comportements désagréables, l’individu les attribue aux autres. Cela l’empêche de reconnaître ses difficultés et de travailler dessus, ce qui nuit à son développement personnel.
Par exemple, au lieu d’explorer pourquoi elle ressent de la jalousie, puis reconnaître et gérer ses propres insécurités, la personne accuse son partenaire d’être possessif.
C’est un mécanisme immature, car il entraîne des conflits interpersonnels. En projetant ses émotions négatives sur autrui, une personne crée des tensions inutiles et nuit à ses relations. Cela peut provoquer des malentendus, de la méfiance et du ressentiment.
Une personne qui utilise souvent la projection peut avoir tendance à être agressive, et accusera constamment les autres de lui être hostiles, ce qui détériore ses relations et l’isole.
Bref, ce type de mécanisme ne permet pas une gestion émotionnelle saine.
Ce qui est tout le contraire des mécanismes de défense dit plus matures, comme l’anticipation, la sublimation ou l’humour, qui permettent de canaliser des émotions difficiles de manière productive.
La projection, en revanche, ne fait que déplacer le problème sans le résoudre, ce qui maintient la personne dans un schéma défensif inefficace.
Inefficace la projection?
Dans le cas présent, très certainement!
En faisant de la projection et en attaquant Justin Trudeau, il ne se rend pas du tout compte qu’il a l’air idiot en démontrant une méconnaissance crasse du système politique canadien?
Sait-il qu’il est tout à fait normal de ne pas savoir quand auront lieu les élections dans un contexte de gouvernement minoritaire? Que ça fait partie de la dynamique inhérente de tout gouvernement dont la députation est minoritaire face à des députés de l’opposition qui sont plus nombreux que ceux de son propre gouvernement et qu’il ne peut continuer à gouverner que s’il a la confiance de la chambre?
Sait-il qu’en contexte minoritaire, un premier ministre peut déclencher des élections à tout moment?
Sait-il qu’il est normal qu’un premier ministre démissionne en cours de mandat, contrairement au système présidentiel? Et que c’est au parti de lui trouver un successeur, ce qui surviendra dans quelques jours? Et que dans le cas présent ce successeur deviendra automatiquement premier ministre? Et que ce nouveau premier ministre aura la responsabilité déclencher les prochaines élections?
Sait-il que grâce à son incompétence, il est en train de redonner de la vigueur au parti libéral qui le répugne, qui représente tout ce à quoi il est opposé et qui pourrait bien se trouver à gouverner pour un quatrième mandat?
Sait-il tout ça? On peut très bien en douter. Quand un mécanisme de défense immature prend le dessus comme ça, à répétition c’est qu’il y a anguille sous roche. Quand on fait de la projection sur une base régulière, c’est quand on cache quelque chose dont on est consciemment ou non, peu fier.
Comme un manque de connaissance sur les réalités intrinsèque au monde politique, sur les rouages profonds du système international, qu’il est en train de détruire.
Rappelons qu’il est normal de vouloir se défendre et les mécanismes sont là pour ça. Si vous observez des personnes utiliser l’humour, la sublimation ou l’anticipation, sachez qu’elles ont une bien plus grande capacité de gestion des émotions difficiles, tout en maintenant un bon fonctionnement psychologique et social.
Comment?
L’humour aide à gérer le stress en transformant les émotions négatives en plaisanteries. Il permet de prendre du recul sans nier la réalité, en réduisant la tension émotionnelle. Ce mécanisme favorise les relations sociales et offre une manière saine de faire face aux difficultés avec légèreté.
Oui, mais Trump fait souvent des blagues dans ses rallys ou discours, me direz-vous? C’est vrai, mais il s’agit généralement de railleries, pour discréditer l’autre. Et très souvent, son humour ressemble à de la projection. Ce qui est très différent que d’être capable de rire de soi, ou de rire AVEC les autres.
Pour ce qui est de la sublimation, elle permet de convertir des émotions négatives en activités valorisées comme l’art, le sport ou la créativité. Elle permet d’exprimer des pulsions de façon constructive, évitant les comportements destructeurs. Ce mécanisme favorise le bien-être personnel, l’épanouissement et aide à canaliser l’énergie émotionnelle dans des actions positives et productives. Et non pas dans des activités où l’on recherche le pouvoir à tout prix et où l’on entreprend des actions destructives et malveillantes envers les autres.
Finalement, l’anticipation consiste, quant à elle, à prévoir et à se préparer aux défis futurs, ce qui permet de réduire ainsi l’anxiété. En voyant au-delà des problèmes et en planifiant des stratégies adaptées, elle permet une meilleure gestion des situations stressantes. Ce mécanisme favorise la résilience, la prise de décision éclairée et donne un sentiment de contrôle sur l’avenir, évitant ainsi la panique face à l’inconnu.
Que faire face à quelqu’un qui utilise la projection ?
Lorsqu’une personne projette ses propres pensées, émotions ou comportements sur vous ou sur les autres, il peut être difficile d’interagir avec elle sans tomber dans un conflit stérile.
Voici quelques stratégies pour gérer cette situation efficacement :
1. Rester calme et ne pas réagir émotionnellement.
Les personnes qui projettent cherchent souvent à éviter une prise de conscience inconfortable de leurs émotions profondes. Si vous vous énervez, cela peut renforcer leur mécanisme défensif et empirer la situation.
Donc, prenez du recul et respirez avant de répondre. Et évitez de réagir avec colère ou sarcasme, ce qui risque d’alimenter le conflit.
2. Identifier la projection et ne la prenez pas personnellement
C’est la clé! Rappelez-vous que ce que la personne vous attribue ne parle pas de vous, mais d’elle avant toute chose.
Si quelqu’un vous accuse d’un comportement que vous ne reconnaissez pas en vous, demandez-vous si cette personne parle d’elle-même sans même s’en rendre compte. Évitez de vous sentir coupable ou chercher à vous justifier excessivement.
3. Répondre avec neutralité et poser des questions
Au lieu de contredire frontalement la personne, amenez-la à réfléchir à ses propres émotions et comportements. Retournez le fardeau de la preuve, c’est à la personne de prouver son point, pas à vous de vous défendre.
Demandez-lui pourquoi elle pense ça, qu’est-ce qui lui fait dire qu’elle pense cela de vous, ou encore, si elle a déjà ressenti ça elle-même.
À éviter absolument : accuser directement la personne de projeter, car cela pourrait la braquer davantage.
4. Fixer des limites claires
Si la projection devient répétitive ou toxique, il est important de protéger votre bien-être en fixant des limites.
Vous pouvez lui dire que vous comprenez qu’elle ressente ou perçoive ça, mais que vous n’êtes pas responsable de ce qu’elle ressent ou perçoit. Et éviter d’accepter contre son gré de jouer un rôle qui ne vous correspond pas juste pour apaiser la situation.
5. Prendre du recul si nécessaire
Si une personne utilise constamment la projection sans reconnaître son comportement, il peut être préférable de limiter votre interaction avec elle, surtout si cela affecte votre bien-être.
Difficile de le faire dans le cas de Donald Trump avec qui l’on doit composer pour 4 ans, mais dans un autre contexte, entourez-vous de personnes qui communiquent de manière saine et équilibrée. Et SURTOUT, n’essayer de changer la personne à tout prix. Le changement doit venir d’elle-même.
L’autrice est diplômée d’histoire, et a étudié au doctorat en science politique, concentration relations internationales. S’intéressant aux processus thérapeutiques, elle a plus récemment étudié en victimologie, psychologie et santé mentale afin d’effectuer un changement de carrière en 2020. Dans le cadre de son blogue, elle allie ses deux plus grands champs d’intérêt, la psychologie et la politique. Vous pouvez connaitre son parcours professionnel ici.